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Entreprises Un partenariat d’égal à égal est-il possible ?


Source: La presse de Tunisie

Le producteur tunisien bénéficie seulement d’une part du gain généré sans avoir droit de mettre en valeur la marque de son usine. L’essentiel est de vendre toujours plus sans se soucier outre-mesure de la promotion de la marque tunisienne qui est parfois considérée comme sous-jacente.


Les entreprises tunisiennes ont toujours conclu des contrats de partenariat avec leurs homologues étrangères et particulièrement celles qui sont situées en Europe comme la France, l’Italie, la Belgique, l’Allemagne. Presque tous les secteurs ont été concernés par le partenariat comme le textile-habillement, le cuir et chaussures, les industries mécanique et électrique, l’électronique et autres. Ces partenariats ont eu des impacts positifs sur les marques tunisiennes qui ont pu améliorer la qualité de leurs produits grâce au transfert technologique même partiel et leur conformité aux standards européens et internationaux. En outre, cette collaboration entre les entreprises tunisiennes et celles de nationalité étrangère a ouvert de nouveaux horizons pour les exportations vers des marchés jadis fermés aux produits locaux. C’est dire l’importance du partenariat même s’il n’était pas toujours fait d’égal à égal.


L’entreprise étrangère prédomine dans la plupart des cas les activités, compte tenu de la technologie de pointe dont elle dispose.
Au fil des ans, les entreprises tunisiennes ont réellement acquis une expérience dans le partenariat qui a joué un rôle prépondérant dans la croissance et le progrès des entreprises locales. Les difficultés enregistrées ne doivent pas constituer, cependant, un facteur pour abandonner ce concept qui a fait ses preuves dans plusieurs pays où les actions de partenariat, de fusion et d’alliance sont monnaie courante. Certaines grandes firmes européennes n’ont pas trouvé d’inconvénients, en effet, pour s’allier à d’autres firmes et constituer ainsi une force de frappe. Elles ont ainsi réuni leurs capacités — matérielles et humaines — pour s’imposer dans un marché où la concurrence est acharnée.

Mieux choisir sa cible
Si certaines entreprises tunisiennes ont pu poursuivre seules leur chemin après la rupture du partenariat, d’autres, par contre, ont vu leur résultat dégringoler et n’ont pas été en mesure de produire au même rythme. C’est que les marchés conquis dans le cadre du partenariat ont vite fermé leurs portes aux produits tunisiens. Plus grave encore, les entreprises, qui ont acquis une technologie de pointe, n’ont pas été capables de poursuivre les travaux d’innovation et de recherche pour adapter en permanence leurs produits aux nouvelles exigences du marché. La rupture de partenariat pour ces entreprises a été fatale et certaines sont allées jusqu’à choisir la solution la plus simple et la plus douloureuse en fermant leurs portes — mettant des milliers de travailleurs dans la rue — ou en changeant de vocation.


Le partenariat est un processus long, qui doit être bien négocié pour ne pas découvrir, au bout d’un certain temps, de mauvaises surprises qui peuvent condamner l’existence de l’entreprise. Les négociations doivent porter, selon les experts, sur le transfert technologique (même partiel), sur l’ouverture des marchés à l’exportation et sur le partage des bénéfices entre les deux partenaires qui doivent s’entendre aussi sur la durée de la collaboration. A préciser que plusieurs entreprises tunisiennes ont aussi des marchés extérieurs en Europe, en Afrique et dans certains pays arabes. Ces marchés doivent être valorisés pour exporter les nouveaux produits issus du partenariat. L’un des exemples les plus révélateurs dans ce domaine est celui du secteur des industries textile et habillement.


Ce secteur a profité, depuis de longues années, des effets bénéfiques du partenariat. Des investissements importants ont été consentis pour le recrutement de cadres qualifiés, le renouvellement des machines et des équipements. Après le partenariat, on a voulu passer à la coproduction, mais les résultats étaient désastreux pour plus d’une entreprise qui n’a pas pu continuer son chemin avec les mêmes performances. Un échec total a été constaté pour ces entreprises qui ont pourtant bénéficié d’un transfert technologique, d’un nouveau matériel et de tous les accessoires de production.


Encouragement matériel du partenariat
Au niveau public, le partenariat est souvent encouragé par les institutions étatiques, compte tenu de ses impacts sur la production et la qualité. Les chambres mixtes incitent également leurs membres à opter pour cette collaboration à deux pour renforcer le système de production et s’imposer sur le marché. Des lignes de crédits sont même ouvertes aux entreprises voulant s’associer avec leurs partenaires étrangères dans un secteur donné. Les entreprises étrangères ont également intérêt à conclure des partenariats avec des entreprises tunisiennes pour bénéficier de plusieurs avantages comme les marchés et le coût de production réduit par rapport à celui de l’Europe. En fait, le partenariat consiste essentiellement à sous-traiter des produits pour les réexporter vers des marchés juteux. Passer de la sous-traitance à la co-traitance n’est pas une mince affaire.


Les produits sous-traités sont vendus souvent sous la marque d’origine de l’entreprise étrangère qui ne fait aucune mention sur le fait que le produit a été sous-traité en Tunisie. Le producteur tunisien bénéficie seulement d’une part du gain obtenu sans avoir droit de mettre en valeur la marque de son usine. L’essentiel est de vendre toujours plus sans se soucier outre-mesure de la promotion de la marque tunisienne qui est parfois considérée comme sous-jacente. D’où la nécessité de conclure des partenariats équitables pour ne pas dire d’égal à égal, compte tenu du rapport de force des deux parties concernées.


Tout cela pour dire qu’il faut mener intelligemment les négociations au sujet du partenariat avant sa concrétisation. Dans les rencontres B to B, les hommes d’affaires tunisiens sont mis face à face avec leurs homologues étrangers pour discuter ensemble les possibilités de conclure un partenariat qui doit concerner le mode de production, la qualité des produits (avec possibilité de les remodeler ou les changer), le taux d’encadrement, les marchés à pénétrer et autres questions intéressant les deux parties.

L’appui de l’Etat est nécessaire
Malheureusement, ces contacts limités dans le temps ne trouvent pas parfois une suite favorable et se limitent aux rencontres B to B. Or, pour être bien négociés, les contacts doivent se poursuivre même quand l’invité rentre chez lui. Grâce aux moyens de communication moderne (skype, Messenger, email), il est possible de continuer à discuter avec son partenaire potentiellement intéressé de conclure un partenariat avec une entreprise tunisienne. Certaines entreprises étrangères veulent conclure un partenariat uniquement dans le domaine commercial — comme ce fut le cas récemment avec la Turquie — ce qui n’arrange pas beaucoup les entreprises tunisiennes et n’apporte aucune valeur ajoutée.


Plusieurs entreprises turques — qui ont atteint un niveau supérieur de qualité — se soucient surtout de commercialiser leurs produits à grande échelle. Pour elles, la Tunisie constitue un marché, aussi exigu soit-il, comme tous les autres marchés de consommation. Notre pays peut même servir de tremplin pour pénétrer dans d’autres pays de l’Afrique et du Maghreb. Cette situation doit changer en optant pour des partenariats plus approfondis qui touchent, en plus du domaine commercial, la production, l’innovation, la recherche et le transfert de la technologie. Un partenariat réussi, précédé par des négociations sérieuses, peut avoir un plus pour l’entreprise tunisienne et contribuer à sa croissance. Elle peut investir pour le renouvellement des équipements, l’amélioration du taux d’encadrement et le renforcement de la recherche et développement. C’est à ce moment-là qu’elle peut produire des produits conformes aux standards internationaux et cibler de nouveaux marchés dans les quatre coins du monde, sans fléchir une fois le partenariat terminé.


La planification doit toujours tenir compte de l’après-partenariat. L’entreprise doit être en mesure de poursuivre le processus de développement en comptant sur ses cadres qui ont accumulé des années d’expérience et profité d’un transfert technologique précieux, garant du progrès et de la pérennité de l’entreprise même si elle est située à l’intérieur du pays.


Repères…
• Plusieurs entreprises tunisiennes ont conclu des actions de partenariat avec des entreprises étrangères sans bénéficier d’un transfert technologique capable de hisser leur niveau vers le haut.
• Parmi les conditions imposées aux entreprises tunisiennes par leurs partenaires étrangères pour conclure un partenariat, la réalisation d’un chiffre d’affaires satisfaisant au cours des trois dernières années.
• Certains partenariats ont abouti à des résultats satisfaisants au niveau des ressources humaines dans la mesure où un groupe de travailleurs a pu effectuer des stages dans l’entreprise partenaire située à l’étranger.
• Le taux d’encadrement au sein de l’entreprise tunisienne, qui souhaite conclure une action de partenariat, doit être bien élevé pour permettre une meilleure adaptation des produits aux exigences et tendance du marché.
• Le partenariat entre entreprises tunisiennes et leurs homologues étrangères a été inauguré seulement quelques années après l’indépendance à la faveur d’une volonté claire de l’Etat et la recherche de partenaires et se poursuit encore.
• L’entreprise tunisienne qui a conclu un partenariat doit être en mesure de produire selon les normes européennes les plus strictes en mobilisant, à cet effet, le matériel et l’effectif humain adéquats.


 
 
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