Le secteur de la pêche au corail rouge, ce trésor maritime qui rapporte gros aux caisses de l’Etat en matière de devises, puisque la quasi-totalité des quantités est destinée à l’exportation, connaît aujourd’hui une situation compliquée. Pêche anarchique, surexploitation des ressources et trafic impliquant des réseaux internationaux... le secteur est loin d’être au beau fixe.
Au port de Bizerte, l’une des villes tunisiennes où la pêche au corail est pratiquée, une affaire datant de septembre 2016 et dans laquelle sont impliqués des unités sécuritaires, des armateurs, des plongeurs et les services de la douane, secoue aujourd’hui le secteur. Retour sur les faits. Le 16 septembre 2016, le ministère de l’Intérieur avait annoncé la saisie par la direction régionale des affaires criminelles à l’administration de la police judiciaire de Gorjeni de 742 kg de corail à Bizerte, d’une valeur de 4 millions de dinars. Une saisie qui a eu lieu dans les domiciles d’armateurs spécialisés dans la pêche des coraux suite à des informations sécuritaires. Mais selon la version des armateurs et des plongeurs, la saisie s’est faite d’une manière intentionnelle en dépit de la légalité des quantités de corail saisies et des certificats qui l’attestent. Ces professionnels accusent même les services de la douane, où la saisie a été placée, d’avoir exploité ces quantités. Depuis, une affaire oppose aux tribunaux les armateurs aux services douaniers. Dans le cadre de cette affaire, loin d’être terminée, un premier verdict a été prononcé en faveur de ces armateurs, mais un dernier verdict en appel a ordonné, en avril dernier, la saisie du corail en plus d’infliger des amendes aux concernés, les armateurs. Aujourd’hui la situation semble se compliquer davantage, puisque les plongeurs vont saisir la justice, à leur tour, pour porter plainte contre la douane. Mohamed Béjaoui, un plongeur, dont 50 kg de corail ont été saisis, toujours dans cette même affaire, assure qu’il s’agit bel et bien de corruption impliquant les services de la douane et l’unité sécuritaire ayant effectué la saisie. «La saisie s’est déroulée d’une manière intentionnelle. Des unités sont venues spécialement pour saisir ces quantités en dépit du fait qu’elles sont légales», a-t-il décalré. Toujours en se basant sur ses dires, les plongeurs comptent, en effet, recourir à la justice pour porter plainte contre ces services douaniers, accusés d’avoir exploité les quantités de corail saisies, alors qu’elles étaient légales. Il faut rappeler, dans ce sens, que ces plongeurs et armateurs avaient bloqué, en avril dernier, l’accès au port de pêche de Bizerte, en signe de protestation contre le verdict en appel émis à leur encontre. Dans cette affaire, le flou persiste toujours.
Une espèce menacée A la lumière de la complexité de cette affaire, le secteur de la pêche au corail est mal organisé en dépit de la présence d’un cadre légal qui réglemente cette activité. Les contrevenants risquent même des peines de prison en cas de grande infraction liée à cette pêche comme la contrebande. En Tunisie, l’un des pays du bassin méditerranéen recouvrant de grandes quantités de corail, cette espèce demeure menacée par la pêche anarchique, l’utilisation de techniques de pêche illégales, outre la pollution causée par les embarcations de pêche et de loisirs, la hausse des taux de dioxyde de carbone (CO2) dans les eaux de mer, sans oublier la contrebande, surtout à Tabarka, première zone de pêche de coraux à l’échelle nationale. Cette activité ne cesse de s’accroître en Tunisie, d’ailleurs, en 2014, une hausse record de 92% a été enregistrée dans les statistiques des quantités de corail rouge pêchées, on craint, alors, une surexploitation de cette ressource naturelle. Des mesures semblent être obligatoires, face à cette situation. A titre d’exemple, l’Algérie a interdit la pêche au corail de 2005 à 2015 afin de préserver cette espèce, après avoir chargé un groupe français d’élaborer une étude sur la situation, la qualité et la quantité de corail dans ce pays, avant de mettre en place un plan de gestion de cette ressource.
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